mardi 19 mai 2009

Où sont les métaux pour l'avenir ?

XVIIèmes Journées Nationales de la SSNT Hammamet 03-06 Novembre 2007


Les ressources en plomb, zinc, fer, argent, cuivre, or , barytine, fluorine et célestite de la Tunisie : un bilan de 117 ans de recherches, d’explorations et d’exploitations

Salah BOUHLEL
Unité de Recherche Minéralogie et Géochimie Appliquées
Département de Géologie
Faculté des Sciences de Tunis, Campus Universitaire 2092 Tunis, Tunisie
Salah.bouhlel@fst.rnu.tn


De nombreux gisements métallifères (plomb, zinc, fer, baryum et fluor) ont contribué durant des décennies au développement des activités industrielles et économiques du pays. Le cuivre, l’argent, le cadmium, l’arsenic, le mercure et le manganèse sont des éléments accessoires. L’or se trouve à de très faibles teneurs (0,1 à 0,3 g/t). Le bilan d'un peu plus d'un siècle d'exploitation minière (~ 1890-2007) est la production de 2 Mt (million de tonnes) de Pb métal ; 1.2 Mt de Zn métal ; 1 Mt de fluorine; 1 Mt barytine et 35 Mt de fer métal. Ces substances sont extraites de gîtes métallifères localisés essentiellement en Tunisie du Centre-Nord, dans des formations géologiques d’âge variés allant du Trias au Mio-Pliocène.

Le plomb et le zinc - Le potentiel économique en Pb-Zn est situé dans la zone des diapirs de la région du Kef et il se répartit en trois types : (1) Amas stratoïdes dans la zone de contact Trias-Crétacé (zone de transition), avec des gîtes de taille moyenne (100 à 300 000 t métal) à l'exception du gîte de Fedj-el-Adoum (500 000 t métal) ; (2) Amas et filons dans les séries crétacées peridiapiriques et en particulier dans la formation Bahloul (Cénomano-Turonien) avec pour l'instant un seul représentant de taille économique : le gisement de Bou Grine (5 Mt de minerai à 12% et and 2,5% Pb soit ~700 000 tonnes métal); (3) Amas associés à l'inconformité Aptien (faciès récifal) / Vraconien (marnes noires), dont le poids métal, était important en particulier dans le massif de Slata et de Bou Jaber (4) structures filoniennes à Pb-Zn de taille modeste (50 à 100 000 t métal) qui ont constitué dans le passé une source d'apport non négligeable (Lorbeus mine, El Akhouat). Dans le domaine de l'Atlas Tellien, les ressources sont de taille moyenne. L'essentiel de la production provenait de l'exploitation de lentilles de molasses néogènes. A l'exception de Jbel Hallouf-Sidi Bou Aouane (400 000 t métal), tous les autres gîtes sont de taille moyenne (30 000 t métal, chacun). Dans ce domaine, près de Ghardimaou, le gîte filonien de Fej Hassene a produit environ 60 000 t de Zn.

Le fer - Après le Pb-Zn, le fer est la principale substance métallique exploitée en Tunisie et l'essentiel de la production a été assuré par le gîte de Jerissa (Région de Tajerouine). Dans ce gisement le fer se trouve sous la forme d'amas dans les calcaires récifaux de l'Aptien. Jerissa a produit 30 Mt d'hématite et de sidérite, les réserves actuellement connues, pour l'ensemble Jérissa sont de l'ordre de 2 Mt d'hématite et de 20 Mt de sidérite. D'autres gîtes de moindre importance, sont soit localisés dans la zone de transition Trias/Crétacé (Nebeur, réserves 1,8 Mt), soit dans les séries volcano-sédimentaires du Mio-Pliocène (Tamera-Ganara -Dhouahria-Bourchiba) qui présentent des réserves de 6 Mt. Durant les dernières décennies, la production totale de fer se fait avec un rythme assez stable variant de 220 à 270 000 t/an à 50-60% de fer. La quasi-totalité du minerai est transformée dans le complexe métallurgique d'El Fouleth (Menzel Bourguiba). Avec l’arrêt du traitement du minerai tunisien par le complexe d’El Fouledh, la production du fer tunisien est devenue insignifiante et elle est destinée en particulier pour l’industrie des ciments.

L'argent - Il est associé à la galène des gîtes en amas dans les calcaires récifaux du Jurassique (Hammam Jédidi, Messella) ou de l'Aptien (Bou Jaber, Slata, Ajred et Hamra). Les teneurs moyennes sont de 200 à 500 g/t de galène. C'est un élément valorisant des concentrés de plomb.

Le cuivre et l’or - La Tunisie, ne présente pas de gisements de cuivre, seulement quelques petits indices, qui sont de deux types : (1) indices dans les grès et pellites du Crétacé inférieur ; (2) indices de cuivre dans les dépôts volcano-sédimentaires du bassin de l'Oued Belif. En l'absence de nouvelles découvertes plus importantes, ces indices de cuivre n'ont, pour le moment, aucun intérêt économique. Dans cette région, des traces d’or de l’ordre de 0,1 à 0,3 g/t sont signalées, et restent en dessous des teneurs économiques.

Le baryum, le fluor et le strontium- Le baryum et le fluor s'expriment respectivement sous forme de barytine (BaSO4) et de fluorine (CaF2) dans les gîtes en amas associés aux calcaires récifaux du Jurassique (Hammam Zriba, Jebel Guebli, Hammam Jédidi) ou de l'Aptien (Bou Jaber). La barytine de Bou Jaber est exploitée tant en qualité chimique qu'en qualité boue de forage. La mine a produit environ 0,5 Mt d'un concentré marchand titrant 95 % BaSO4. Les réserves sont estimées à 6 Mt à 35 % BaSO4. La fluorine a été exploitée, durant la période 1970-1992, dans le gisement de Hammam Zriba et occasionnellement dans les gîtes de Hammam Jédidi, Stah, El Kohol et Messella. La production tunisienne en fluorine a été d'environ 1Mt, dont la quasi-totalité provenait de la mine de Hammam Zriba. Le strontium caractérise les gîtes de la zone de transition (gîtes aux contacts Trias/Crétacé). Il s'exprime sous forme de célestite (SrSO4). De grandes réserves sont connues à Doggra, Bou Khil, Koudiat Oudiba, Bazina et pourraient constituer une source de concentré marchand de célestite.

Etat des lieux

Suite à la fermeture successive des mines métalliques (Hammam Zriba et Hammam Jedidi, de Fedj Hassene et El Akhouat en 1992 ; de Bou Grine, Bou Jaber et Fedj el Adoum en 2005), l’exploitation des métaux en Tunisie passe par une période de crise, qui en l'absence de nouvelles découvertes va conduire probablement à la mise en veilleuse du secteur des mines métalliques.

Où sont les métaux pour l'avenir

Une relance de l’exploration peut s’appuyer sur des modèles de prospection issus de la recherche scientifique.

Nous savons aujourd’hui que le « le basinal brines model » est le plus approprié pour la Tunisie. Ce modèle a fonctionné principalement au Miocène suite à la collision Afrique-Europe. Une telle collision aurait généré la circulation souterraine d’énormes masses de fluides hydrothermaux à l’échelle de toute la Tunisie du Centre-Nord.

Dans ce modèle, si on se limite à la seule zone des Diapirs, centrée sur la région du Kef, à superficie minimale de 10000 km2 et si on admet l'épaisseur originelle de la série sédimentaire à seulement 6000 m, ce sont environ de 60 000 km3 de sédiments décompactés, qui auraient livré lors de leur compaction progressive un volume d'eau de l'ordre de 40 000 km3. De plus une quantité importante d’eau météorique estimée à 40 000 km3 peut s’infiltrer dans le système à partir de la zone des Nappes ou de la Tunisie centrale.

Si le quart de l’ensemble de ces masses d’eaux 20 000 km3 (soit 2104 milliards de tonnes) peut migrer latéralement vers les pièges des minéralisations, et si on estime à seulement 10 ppm/litre d'eau la quantité de Pb+Zn déplacée par ces eaux, alors ce sont environ 200 Mt de Pb-Zn susceptibles d'être précipités dans des zones pièges.

Ce chiffre est énorme et il est très supérieur au tonnage exploité dans la région (5 Mt), d’où de grands espoirs pour la découverte de nouveaux gisements. Celui de Bou Grine a été un bon exemple, avec des ressources in-situ de ~700 000 tonnes Pb+Zn, exploitées jusqu’à fin 2005.

Les données géologiques disponibles suggèrent fortement la présence dans le sous-sol tunisien de plusieurs autres « petit-Bou Grine). A raison de 2800$ la tonne de Zn et 3700$ la tonne de Pb, une récupération de 80% et une stabilité du marché durant une période d’exploitation de 10 ans, la valeur marchande d’un gisement de la taille de Bou Grine vaut aujourd’hui (26/10/2007) 1,6 milliards de $ soit 2 milliards de dinars. De cette somme il faut évidement soustraire les frais d’exploration, d’exploitation et de traitement.

La « petite somme » restante est énorme si on la compare au PNB de la Tunisie.

Vue le boom actuel des prix des métaux et d’une façon générale de toutes les matières premières minérales (avec pour plusieurs d’entres-elles dépassement des records historiques), il devient alors plus qu’urgent de concentrer les efforts de tous afin d’aboutir à un schéma stratégique d’exploration et d’exploitation dans le domaine des mines métalliques.

Pour citer cet article :

Bouhlel Salah ‘(2007) : Les ressources en plomb, zinc, fer, argent, cuivre, or , barytine, fluorine et célestite de la Tunisie : un bilan de 117 ans de recherches, d’explorations et d’exploitations.XVIIèmes Journées Nationales de la SSNT Hammamet 03-06 Novembre . Conférence pléniere pp :1-2

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